Tout savoir sur la captation du testament en cas de décès

La captation de la personne décédé est fréquemment soulevée devant les tribunaux lorsqu’une personne intéressée désire contester un testament.

Dans une décision récente, la Cour supérieure du Québec rappelle les critères applicables aux recours impliquant les demandes en captation du défunt.

LA CAPTATION

Fondement légal de la captation

La captation est l’équivalent du dol et de la fraude en matière civile, mais appliqués au cas particulier du testateur d’un legs qu’il n’aurait pas fait autrement n’eut été la captation des personnes poursuivie. 

Qualification de la captation

Dans la décision Succession de Charette (2017 QCCS 1381), la Cour supérieure du Québec rappelle qu’il n’est pas illicite en soi pour une personne de s’attirer les faveurs d’un testateur. Pour être illégal et constituer de la captation, les manœuvres des défendeurs doivent être dolosives. Par exemple, les manœuvres qui « s’accompagnent de pratiques artificieuses, comme l’interception de la correspondance ou le fait d’écarter les visite, ou encore le dénigrement systématique à l’adresse des proches parents » constituent de la captation :

[233] Pour vicier le consentement d’un testateur, les manœuvres doivent être frauduleuses et elles doivent avoir été déterminantes dans la façon dont le testateur a testé. De plus, il est bien établi qu’il n’est pas illicite en soi pour une personne de s’attirer les faveurs d’un testateur. Le professeur Beaulne explique le concept de captation comme suit :

690 – Captation ou suggestion – Le dol ne figure plus dans la liste des vices de consentement. […] On doit néanmoins considérer qu’un testament peut être annulé pour dol, c’est-à-dire lorsqu’il y a eu des manœuvres frauduleuses et que celles-ci ont réellement provoqué la décision du testateur. Dans les libéralités, dans les testaments en particulier, on parle souvent en l’occurrence de captation et de suggestion, expression empruntée à l’Ancien Droit.

691– Nécessité de manœuvres frauduleuses – Il n’est pas illicite en soi de s’attirer la faveur du testateur. Ainsi, le fait de déployer beaucoup de zèle envers un malade ou de multiplier les témoignages d’affection à son égard, alors qu’en fait on cherche à se faire instituer légataire, n’est pas en soi une cause de nullité, non plus le fait d’appeler un notaire et de lui donner des directives quant au testament à préparer. Comme l’exprimait la Cour d’appel :

Pour établir la captation, il faut prouver l’existence de manoeuvres dolosives ou frauduleuses. Il ne suffit pas de faire la démonstration que la personne a simplement essayé de s’attirer les faveurs de la testatrice, ou dans le cas de Ronald, exprimé son désir de devenir propriétaire de la résidence dans laquelle il habitait avec sa mère.

692. Les faits de captation deviennent cependant dolosifs lorsqu’ils s’accompagnent de pratiques artificieuses, comme l’interception de la correspondance ou le fait d’écarter les visite, ou encore le dénigrement systématique à l’adresse des proches parents. C’est ce qu’a rappelé la Cour d’appel dans l’affaire Gauthier :

Les défendeurs ont dépassé les simples suggestions ou conseils au testateur. Leur attitude présente un caractère dolosif entraînant la nullité du testament, puisque ces défendeurs se sont emparés de la volonté du testateur pour lui suggérer comment tester […].

693. Encore faut-il que les manœuvres frauduleuses aient été déterminantes du consentement. Il faut donc établir un lien de causalité entre les gestes posés par la personne accusée de captation et le contenu du testament, car il est essentiel que ces gestes aient eu une influence sur le consentement du testateur. C’est toujours à celui qui allègue la captation de la prouver, et de simples soupçons ne suffisent pas à l’établir : il « […] doit convaincre le Tribunal qu’elle a été déterminante sur les volontés exprimées dans le testament attaqué. » La preuve peut être indirecte, mais elle doit être prépondérante. […]

– Succession de Charette (2017 QCCS 1381)

Fardeau de la preuve de captation

Le défunt n’étant manifestement plus présent pour donner sa version des fait, la preuve de captation se fait généralement par présomptions de faits :

[234] La preuve de captation se fait généralement à l’aide de présomptions de faits qui, comme déjà mentionné, doivent être fondées sur des indices graves, précis et concordants et il n’y a pas de renversement du fardeau de la preuve.

– Succession de Charette (2017 QCCS 1381)

Or, l’absence de preuve directe est un obstacle important à l’établissement d’une preuve suffisante permettant à un tribunal de conclure à la captation d’une personne décédée. D’ailleurs, la Cour d’appel du Québec précise que les recours en captation sont souvent difficiles à établir :

[95] Il n’y a pas, ici, une preuve directe que l’intimé ou sa sœur ont détourné la volonté du testateur par fraude. Il convient de noter, cependant, que la preuve de captation est souvent difficile à établir. Bien entendu, la victime présumée de la manœuvre n’est plus disponible pour donner sa version des faits. Deuxièmement, comme on peut lire dans Fauteux c. Chartrain, « il est rare que l’auteur des manœuvres employées, qui doit bénéficier de la libéralité, agisse directement ou ouvertement; il préfère, s’il est rusé, prendre des voies obliques et dissimulées qui conduiront plus sûrement et plus discrètement à ses fins ». Plus encore, le droit des libéralités est traditionnellement plutôt permissif quant à la persuasion, même persistante, que peut exercer une personne sur un donataire ou légataire, tant que celle-ci ne tombe pas dans la fraude : les auteurs français Terré, Lequette et Gaudemet écrivent en effet que l’exigence de dol en matière testamentaire n’est pas satisfaite « lorsqu’il y a eu seulement flatterie des goûts ou des manies du disposant, ou manifestations de dévouement – sincère ou simulé – de nature à susciter l’affection »

– Larocque c. Gagnon, 2016 QCCA 1237

En somme, il est important de souligner que le dévouement, même simulé, de nature à susciter l’affection du défunt n’est pas pertinent dans l’évaluation de la présence d’une captation. Se faisant, la démonstration qu’un tiers s’est soudainement dévoué à la fin de vie d’un défunt dans le but d’obtenir une modification à son testament importera peu. Le fardeau de la preuve est, en effet, beaucoup important et nécessite la démonstration que les défendeurs se sont emparés de la volonté du testateur pour lui suggérer comment tester.